Depuis le début de la campagne référendaire, une opposition farouche oppose les partisans du "OUI" à ceux du "NON". Cette lutte a entraîné des troubles récurrents à travers tout le pays et une utilisation excessive des fonds publics à des fins peu judicieuses. Malheureusement, ce sont toujours les Sénégalais qui en subissent les conséquences, car il est évident, vu la situation actuelle, que les intérêts personnels hantent les esprits de nos hommes politiques. Les opposants au référendum veulent que le "NON" l'emporte afin d'éviter que leur mandat ne soit limité à 5 ans à l'avenir. D'un autre côté, les partisans du "OUI" cherchent à prolonger leur longévité au pouvoir et peut-être même à envisager un troisième mandat à l'avenir en invoquant la non-rétroactivité de la loi. Dans tous les cas, le principal bénéficiaire sera le président Macky Sall, car il y a derrière ce référendum une stratégie qui profite largement à son gouvernement.
Le "NON" : un prolongement de 14 ans pour Macky
Il est indéniable que peu se préoccupent de l'impact de leur vote lors du référendum et des conséquences que leur choix pourrait entraîner. En effet, si le "NON" l'emporte, cela signifie que le mandat présidentiel restera de 7 ans, renouvelable une fois. Cela signifie que si le président Macky Sall est réélu lors des élections présidentielles de 2019, il exercera un deuxième mandat de 7 ans qui prendra fin en 2026. Ainsi, les opposants au régime actuel devront faire preuve de patience, car le "pouvoir mackyste" aura la possibilité de rester au pouvoir encore une décennie, surpassant même Abdoulaye Wade qui a exercé pendant 12 ans. De plus, alors que les Sénégalais sont lassés de ces politiciens qui entravent le développement depuis l'indépendance, le président Macky aura la possibilité d'éliminer une fois pour toutes les candidats indépendants (note de bas de page : les réformes constitutionnelles leur permettent de se présenter aux élections présidentielles) qui pourraient être ses concurrents potentiels lors du prochain scrutin présidentiel. Ainsi, dans ce climat favorable, le gardien de la Constitution poursuivra son objectif principal : réduire l'opposition à sa plus simple expression, comme il l'a affirmé lors de ses interviews.
Dans ce contexte, le phénomène de la transhumance politique s'intensifiera considérablement, car les opposants ne verront jamais l'opportunité de rester dans le camp de l'opposition indéfiniment. Cela créera des conditions particulièrement favorables pour les dirigeants, qui n'auront ni adversaires politiques ni même de contre-pouvoirs pour protéger les intérêts publics. En fin de compte, ceux qui pensent que le triomphe du "NON" affaiblirait le gouvernement actuel sont dans une illusion, car en grande partie, cette situation lui permettrait de rester au pouvoir 10 ans de plus et de créer un environnement favorable pour éliminer les opposants.
Le "OUI" : la cerise sur le gâteau !
Aucun terme ne suffit à décrire les avantages que pourrait obtenir le régime actuel après l'approbation du "OUI". Il ne s'agit plus des 15 points de réforme, mais plutôt des avantages qui attendent le président Macky Sall et son gouvernement. On se souvient des débats juridiques intenses qui ont précédé les élections présidentielles de 2012 sur la légitimité de la candidature de Me Abdoulaye Wade. Ce dernier avait tenté de briguer un troisième mandat en violant la Constitution avec la complicité du Conseil constitutionnel, en arguant que son premier mandat (2000-2007) ne devrait pas être pris en compte dans la nouvelle loi entrée en vigueur. Le même scénario risque de se reproduire avec le régime de Macky Sall, digne héritier de Me Wade (regardez son parcours). En effet, le président Macky Sall cherche à obtenir un mandat de 7 ans après avoir renoncé à réduire son mandat à 5 ans, malgré l'avis du Conseil constitutionnel, même s'il n'était pas obligé de suivre cet avis émanant d'une juridiction dépendante. Cela signifie que les élections présidentielles sont prévues pour 2019. Ainsi, en votant "OUI" lors du prochain référendum, la constitution sera modifiée pour réduire le mandat présidentiel à 5 ans (renouvelable une fois), sans compter le mandat en cours. Par conséquent, si le président Macky Sall est réélu en 2019 pour un mandat de 5 ans, il pourra se représenter en 2024 et sa candidature sera approuvée par le même Conseil constitutionnel qui avait validé celle de Me Abdoulaye Wade et l'avait même empêché de réduire son mandat en cours. Ainsi, le président Macky Sall pourrait exercer 3 mandats, soit jusqu'en 2029 à la tête du Sénégal.
Comment le Conseil constitutionnel pourrait valider la candidature du président Macky Sall en 2024
Le principe de non-rétroactivité des lois en droit signifie que la loi ne s'applique pas aux situations juridiques dont les effets ont été entièrement consommés sous l'empire de la loi ancienne. C'est ce même principe que le Conseil constitutionnel a invoqué pour valider la candidature de Me Wade en 2012, car la nouvelle loi réduisant le mandat présidentiel ne prenait pas en compte son premier mandat effectué entre 2000 et 2007. Ce même Conseil constitutionnel a ordonné au président actuel d'organiser le référendum pour réduire le mandat présidentiel à 5 ans, sans compter le mandat en cours (7 ans), qui, selon lui, ne serait pas affecté par la nouvelle Constitution votée lors du référendum du 20 mars 2016. Par conséquent, en se basant sur le principe de non-rétroactivité de la loi, le Conseil constitutionnel pourrait bel et bien permettre au président Macky Sall de se représenter en 2024.
Pertinente réflexion !
RépondreSupprimerComme tu l'as évoqué la légitimité de ce référendum est presque inexistante. C'est un constat réel.
Cependant, le Président doit savoir que le peuple ne sera jamais dupe. Il vainquera toujours. Donc ce n'est pas un simple subterfuge qui va le maintenir au pouvoir. Les actes valent mieux que les paroles!